Chiots de faïence, mai 2011
Une production des Editions Untitled / EnCasOu
http://www.editions-untitled.fr
Réalisation au sein de l’école des beaux arts de Besançon
Photographies de Gabriel Vieille
François Bénard a mené depuis ses débuts un travail sculptural où il a largement expérimenté les matériaux, leur résistance et leurs réactions. Ses interventions physiques prennent diverses formes : torsion, entrelacement, enserrement, plissage, construction, empilement... Les premières séries d’œuvres – qui par ailleurs exploraient d’autres pratiques que la sculpture – ont révélé ses matériaux fétiches tels que le béton, la faïence ou encore la mousse.
Dans l’œuvre de François Bénard, les matériaux ne sont jamais pensés indépendamment mais dans une logique d’interaction entre eux ou avec d’autres corps. Ils sont parfois confrontés à des objets ready-made – conservés dans leur intégralité ou amputés pour ne retenir qu’un aspect plastique. Ces objets sont précisément choisis pour leur qualité matérielle et leur capacité d’action sur une autre matière*. On assiste ainsi à de nouvelles expressions sculpturales qui combinent formes abstraites et objets ready-made mais qui surtout résultent de rencontres et de tensions inattendues. Cette quête esthétique, François Bénard la mène sur deux hémisphères : celui de l’abstraction et du figuratif. Et certaines œuvres – bien qu’intégrant des objets usuels aisément identifiables – se révèlent être un hymne au jeu possible et infini des matières.
Le choix des objets et des matériaux n’en demeure pas moins révélateurs de notre société de consommation qui en augmentant les échelles de production, réduit à vitesse grand V les cycles de vie des produits et réactive à outrance des besoins jetables dont le consommateur devient prisonnier. L’utilisation des éponges, sangles, tongs en plastique, fils a scoubidou sont de sérieux indices. Ce discours en filigrane est néanmoins suggéré avec humour, distance et légèreté. L’esthétique est pop, les couleurs sont acidulées et les références au jeu sont régulièrement convoquées**.
L’œuvre Chiots de faience est une série de six chiots de faïence réalisée sur un principe d’invariables – échelle, matériaux – et de variables – couleur, position. L’univers domestique au-delà de l’animal est immédiatement présent. Le sujet et son format ne vont pas sans rappeler ces sculptures kitsch en céramique pour décorer les jardins alors que le carrelage, la facture et le choix des couleurs renvoient à l’espace de la salle de bains.
Ces sculptures géométriques résultent également d’un travail de construction réfléchi à la manière d’un architecte. Une unité de mesure préalablement définit par l’artiste en fonction du matériau sert de point de départ au déploiement du volume. Ici, le gabarit est un carré de faïence mesurant 5 cm de côté. Et il devient le prétexte à la création une grille où les lignes se rencontrent et se rompent dans une recherche esthétique. En rupture avec la composition carrelée, chacune de ces sculptures intègrent un objet manufacturé – ici un collier canin en cuir – qui perd sa fonction utilitaire au bénéfice d’un jeu formel lié au volume. L’œuvre donne ainsi à voir avec froideur, distance et humour des petits bulldogs bien en vogue.
* C’est ainsi par exemple que les œuvres en béton sanglées prennent forme. Voir la série Sans lourd titre, pour l’instant, 2008, béton, sangle (www.francoisbenard.com).
** Voir les séries Air Play, 2007, Pétanque, 2005-2008, MultiColorRope, 2007, Frite, 2005-2007 (www.francoisbenard.com). |

Calcul, mai 2010
Labor 1, Ludwigsburg (Allemagne)

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L'art, espace de liberté multiforme.
Notes d'atelier, Novembre 2007 :
Au début des années 2000,
ma pratique se précise vers l'exploration du statut de l'objet d'art.
En effectuant un état des lieux sur la diversité des outils de création
qui génèrent ce statut, mon intérêt se porte, non pas sur la sculpture
elle même, mais sur son mode de présentation. Au-delà de la relation
entre sculpture et espace, je concentre ma démarche sur l'interaction
socle/sculpture.
Dans un premier temps, la
dissociation entre socle et sculpture est identifiable. La
« sculpture » est représentée par un objet du quotidien
choisi pour sa fonction usuelle éloignée de la sphère artistique. Afin
de rester culturellement identifiable, l'objet est posé et non modifié.
Sa sélection est aussi liée à des
caractéristiques techniques (texture, poids, couleur, dimension …)
permettant la création d'un système sur-mesure de type
« socle ». Cependant, l'interaction entre l'objet et le socle
ne se définit pas chronologiquement car l'idée d'un socle peut
provoquer la recherche d'un objet spécifique et inversement. Cette
première approche ouvre mon champ d'investigation sur les notions de
fusion, d'inversion, de modularité … Dans la fusion, socle et objet
deviennent indissociables. L'action initiale de poser l'objet est
devenue une incorporation de l'objet dans la masse. La lecture
sous-jacente du principe socle/sculpture comme d'une sculpture unique
devient effective. L'inversion sculpture/socle intervient par le
retournement de l'ensemble, l'objet supporte alors le socle (ou
initialement le socle) et se trouve en contact avec le sol. La
modularité peut apparaître par l'utilisation multiple du même thème ou
de la même variation de composition. Selon les cas, ces états se
juxtaposent avec toujours l'optique d'aborder le processus de création
au travers de la monstration. Chaque sculpture pose une évidence qui
peut être consolidée ou remise en cause dans la suivante. Il n'y a pas
de recherche de vérité absolue ou consensuelle. Rien n'est définitif.
L'art est un espace de liberté multiforme. Alors
quelle lecture avoir d'une sculpture intégrant un objet du
quotidien ? Dans mes compositions, la distinction socle/sculpture
s'efface au profit d'une œuvre abstraite intégrant des objets rendu
inusuels car écartés de leur fonction d'origine. Reste à charge et à la
liberté du spectateur de ressentir selon sa perception et sa
sensibilité de l'instant ou futur.
Notes d'atelier, Juin 2007 :
Couleur, texture, transparence, poids, densité, volume … sont des
caractéristiques communes à une frite d'aquagym, à de la peinture à
l'huile, à un bloc de marbre ou à une piscine gonflable.
Le coût d'un matériau ne fait pas sa valeur artistique et une éponge n'est définitivement pas une œuvre d'art !
Accumuler, scier, coller, ranger, bouger, occuper, colorer, colorier,
retourner, parler, mouiller, souiller, casser … Le travail de la
matière génère une interprétation de la « touche » de l'artiste et peut
décaler l'analyse de la production montrée à l'analyse psychologique
voire psychiatrique de l'artiste.
L'art n'est pas contenu dans la technicité et l'art n'est pas l'artiste !
Le désir est de produire de l'art pour échanger et comprendre cet art,
de mettre en retrait l'artiste au profit de sa création, de laisser à
cet art une autonomie et donc une possible ré-appropriation du
spectateur face à l'œuvre qui lui est proposée. De provoquer la
contemplation ?
L'artiste est au service de l'art.
Heureusement, rien n'est définitif.
Déjouer les évidences. Jouer est une évidence !
Une éponge … de l'art ?
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Béton et frite. |
Paris, octobre 2006
Je confirme mon intérêt pour les superettes des îles bretonnes. L'une
d'entre elles me révéla ce tube acidulé. Pas de projet défini mais une
sacré envie de le couler dans le béton . d'une façon ou d'une autre !
Cette première sensation devint vite une évidence.
Son poids plume : il faut associer cet objet à un corps lourd (en béton
?!) pour lui donner la masse intrasèque à une possible définition de la
sculpture.
Sa couleur saumon flashyyyyy: cette teinte s'accorderait étonnamment
bien avec un gris (gris béton ? quelle couleur ne s'accorderait pas
avec du gris béton ?).
Texture : lisse, plastique >< granuleuse, rugueuse
Densité : mou >< dur
Les matières sont choisies : frite / béton et rien de plus.
Il faut maintenant concevoir cette organisation selon un modèle qui
démontre une volonté, un choix, une esthétique propre à l'objet d'art.
Croquis, croquis, croquis ..
C'est finalement vers une certaine simplicité au service de l'efficacité que se déterminera mon choix final.
1- Planter la frite dans du béton. Plus précisément,
transpercer un cube de béton. Planter dans la face supérieure
2- Faire ressortir un petit bout du tube par un des côtés verticaux du cube.
Pas de hasard dans la composition. Laisser le tube bouger, laisser sa
matière s'exprimer. Mais aussi fusionner les éléments par l'immobilité
et la masse que transmet le béton à l'allumette.
A noter dans mes moyens/méthodes/outils de création :
Objet alourdi / Objet immobilisé = objet d'art |
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